9 mars – 8 avril
Vernissage : vendredi le 9 mars à 19h
Discussion avec Carl Trahan et Michael Cowan : jeudi le 15 mars à 19h
Texte par Jonathan Plante cliquez ici
Écoutez la discussion avec l'artiste
Deutsche Version unten
Le travail récent de Carl Trahan a comme point de départ la lecture d’un livre du philologue juif allemand Victor Klemperer (1881-1960), qui a survécu à la Shoah dans une maison de Dresde où les derniers juifs de la ville furent contraints d’habiter. Ses observations critiques sur les implications idéologiques du langage ont été publiées après la guerre sous le titre LTI, La langue du Troisième Reich. Il existe peu de témoignage plus impressionnant sur le pouvoir de corruption que l’homme peut exercer sur la langue.
Le sens des mots résulte toujours de leurs contextes. À l’aide de ses dessins et de ses objets, Trahan les en extrait, les isole, les enferme ou les contracte. Leurs significations sont donc neutralisées, refoulées ou réduites à un minimum existentiel; comme par exemple dans une série de termes gravés dans le graphite, que Trahan a empruntés à l’auteur espagnol Jorge Semprún, qui les considérait essentiels afin de baliser la vie au camp de concentration de Buchenwald où il fut emprisonné. En revêtant les mots et les lettres de diverses formes typographiques, Trahan nous montre comment, à travers le temps, ils ac-
quièrent leur histoire propre. Dans une série de dessins, les lettres de mots choisis parmi le vocabulaire national-socialiste et écrits en police Fraktur sont superposées et prennent une qualité abstraite et sculpturale.
Les nationaux-socialistes ont attribué une grande importance à la typographie : si les polices de la famille de caractères Fraktur ont tout d’abord été considérées comme étant « allemandes », à partir de 1941 elles furent abandonnées et des polices plus modernes ont été promues. L’écriture Sütterlin, une version cursive maniérée de la Fraktur, est tombée en disgrâce en même temps et a été remplacée par une autre écriture plus simple. Ces types d’écriture ne sont plus enseignés aujourd’hui. Si on les utilise parfois, c’est pour donner des connotations historiques et traditionnelles – un usage qui n’est pas toujours innocent.
Que veut dire « ewig » (éternel) ? Cette question sous-tend deux œuvres de l’exposition : une enseigne de néon écrite en Sütterlin ainsi qu‘une intervention murale prenant la forme d’une cascade de traductions possibles entre l’allemand et le français. L’écriture et la typographie ne peuvent rien changer à la signification des mots; ils ajoutent pourtant un sens supplémentaire spécifique à tout acte de communication qu’ils rendent visible.
Dirk Naguschewski, chercheur en langues et cultures, Berlin
Traduit de l’allemand par Carl Trahan et Dirk Naguschewski
Carl Trahans Ausstellung nimmt ihren Ausgang bei der Lektüre eines Buches, in dem analysiert wird, wie die deutsche Sprache während des Dritten Reiches durch die Nationalsozialisten pervertiert wurde: Der deutsch-jüdische Literaturwissenschaftler Victor Klemperer (1881-1960) überlebte die Shoah in einem Dresdner Haus, in dem die letzten verbliebenen Juden der Stadt eingesperrt waren. Seine ideologiekritischen Sprachbeobachtungen wurden nach dem Krieg unter dem Titel LTI (Lingua Tertii Imperii) veröffentlicht. Es gibt wenig eindrücklichere Zeugnisse über den korrumpierenden Einfluss des Menschen auf die Sprache.
Der Sinn der Worte ergibt sich stets aus ihren Zusammenhang. Trahans Zeichnungen und Objekte reißen die Wörter aus ihrem Kontext, isolieren sie, schließen sie ein oder ziehen sie zusammen: Bedeutungen werden neutralisiert, verworfen oder auf ein existenzielles Minimum reduziert, wie anhand einer Gruppe von Wörtern zu sehen ist, an denen sich für den KZ-Häftling Jorge Semprún das Leben im Lager Buchenwald ausrichtete. Wörtern und Buchstaben werden verschiedene typographische Kleider übergeworfen. Trahan führt uns vor, wie Wörter durch die Geschichte hindurchgehen und dabei ihre eigene Geschichte bekommen. In einer Serie von Zeichnungen, auf denen Fraktur-Lettern von NS-Wörtern bis zur Unlesbarkeit übereinander gelagert werden, erhalten sie gar eine abstrakte, skulpturale Qualität.
Die Nationalsozialisten haben der Typographie viel Gewicht beigemessen: Wurde die Frakturschrift zuerst noch als ‚deutsche‘ Schrift betrachtet, wurden nach 1941 moderne Typen propagiert. Dadurch geriet auch die schnörkelreiche Sütterlin-Schrift in Verruf und wurde durch eine einfachere Schreibschrift abgelöst. In der Schule werden diese Schriftarten heute nicht mehr unterrichtet. Wenn sie gelegentlich noch Verwendung finden, dann um Tradition und Geschichte zu konnotieren – nicht immer ist dieser Gebrauch unschuldig.
Was heißt schon "ewig"? Diese Frage stellt der Neon-Schriftzug in der kaum mehr lesbaren Sütterlin-Schrift ebenso wie die auf die Wand gezeichnete Kaskade von deutsch-französischen Übersetzungsmöglichkeiten des Wortes. An der Bedeutung der Wörter können Schrift und Typographie nichts ändern; sie tragen aber Bedeutung in jedes kommunikative Ereignis, dem sie eine sichtbare Form verleihen.
Carl Trahan expose son travail multidisciplinaire depuis 1994 au Canada et en Europe. À partir de 2005, son intérêt pour les contextes linguistiques étrangers l’a amené à réaliser des projets de résidence dans diverses villes européennes.
Michael Cowan est professeur en études allemandes et cinématographiques à McGill University où il dirige le Moving Image Research Laboratory (MIRL). Il s’intéresse aux recoupements entre les discours sur les médias, la technologie, l’esthétique et le corps dans la culture moderne, en se penchant plus particulièrement sur le cinéma.
Image : Carl Trahan, série 7 (les mots les plus terribles du national-socialisme)2011, photo : Gianni Plescia