Commissaire: Daniel Barrow
Performance : 21 avril, 19h
Exposition: 21 – 27 avril
L'an dernier, lorsqu'on m'a approché pour être artiste en résidence à l'Université Concordia et y enseigner mon propre cours de dessin, ma première idée fut de reprendre la formule et les thèmes du cours de dessin que j'avais préféré lors de mon bacc. Il y a 15 ans à l’Université du Manitoba, mon professeur favori, Sharon Alward, divisait son cours en quatre chapitres traitant chacun d'un thème large: Sexe, Amour, Mort et Dieu. Je me souviens surtout que j'aimais énormément ce cours, bien que j'en ai oublié les spécificités. C'était comme si le Professeur Alward nous avait jeté un sort nous permettant, à moi et aux autres étudiants, de réellement croire que nos oeuvres tenaient une place dans quelque chose de plus grand, une histoire pouvant toucher un public universel. Toutefois, dès le début de mon propre cours de « dessin et thèmes universels », avec humilité je me suis rendu à l'évidence que je m'y connaissais très peu en matière de sexe, d'amour, de mort et de dieu. Néanmoins, je me suis ajusté à mon nouveau rôle de professeur et fus soulagé de constater que, par leur talent, les étudiants pouvaient creuser eux-mêmes leurs investigations personnelles et, ainsi, diriger l’apprentissage de la classe.
Le travail présenté dans HEIRESS (Héritières) a émergé de ce cours de manière très organique, et reflète l'un ou l'autre des grands thèmes mentionnés plus tôt. Chacune des trois artistes a créé sa propre performance/diaporama, un mélange d'héritages culturel et familial, d'éléments politiques, d'images d'archives, de souvenirs personnels et de fantaisie, le tout dans une volonté de rendre compte de la situation dans laquelle nous sommes et de tenter d'envisager ce dont l'avenir sera fait.
Lorsqu'elle s'est inscrite à mon cours, Emma-Kate Guimond était forte de son expérience en danse contemporaine et mettait en scène son corps dans des projections de vignettes denses et «cartoonesques». Guimond a présenté what kinda face mamma? sous le thème de l'Amour. Dans cette oeuvre à plusieurs couches, elle tresse ensemble des histoires de déesses mythiques, des détails de son histoire personnelle (sa réaction allergique au lait maternel) et des contes puisés à même l'inconscient collectif.
Le diaporama Northern Onterrible de Kerri Flannigan oscille brillamment entre récit initiatique doux-amer, histoire folklorique, et documentaire sordide et qui rend mal à l’aise. Présenté à l'origine sous le thème de la Mort, le monologue de Flannigan s'inspire de son enfance passée entre six foyers du nord de l'Ontario. Sous forme de collage, l'artiste a créé un portrait familial où elle raconte le passage ardu de ses ancêtres vers le Canada dans les années 1930, questionnant à la fois l'aspect mythologique du petit village idyllique et la notion de chez-soi.
À l'instar de Flannigan, le diaporama commenté en direct de Kandis Friesen se veut à la fois album de famille, document de recherche et réflexion sur la mort. Friesen questionne, à travers sa propre expérience, de multiples facettes de la mort: la mort d'un quartier manitobain suite à sa gentrification, la perte d'une patrie et la vie de réfugié, la mémoire et la migration, les cimetières perdus, le traumatisme physique, la guérison et le processus de deuil. Death: The Architecture Of Dying and The Geography Of Loss est une profonde et généreuse réflexion sur la nostalgie et la perte, livrée par une artiste qui désire ardemment participer au changement social.
Chacune des artiste a élaboré sur sa performance originale afin de créer une installation adaptée au contexte d'articule. C'est un honneur de présenter ces trois artistes émergentes au public montréalais. Je suis persuadé qu'il s'agit d'un ajout important à la programmation d'articule, et que son impact sera durable et mémorable.
Texte de Daniel Barrow
Traduction de l'anglais : Simon Benedict
Daniel Barrow
Né à Winnipeg et habitant maintenant à Montréal, Daniel Barrow utilise des technologies obsolètes afin de créer des récits écrits, picturaux et cinématiques dans sa pratique de dessinateur et de collectionneur. Depuis 1993, il crée et adapte des récits de bandes dessinées à des formes manuelles d'animation par le biais de la projection, de la superposition et de la manipulation de dessins sur des rétroprojecteurs. Le travail de Barrow a été largement exposé au Canada et à l'étranger. Il a performé dans plusieurs institutions et festivals, dont The Walker Art Center (Minneapolis), PS1 Contemporary Art Center (New York), The Museum of Contemporary Art (Los Angeles), The International Film Festival Rotterdam, The Portland Institute for Contemporary dans le cadre du TBA Festival 2009 et le British Film Institute (Londres). Barrow est le récipiendaire du Sobey Art Award de 2010. Il est représenté par Jessica Bradley Art + Projects (Toronto).
Emma-Kate Guimond
Née à Edmonton, en Alberta, Emma-Kate Guimond est une artiste résidant à Montréal dont le travail entremêle performance, dessin et vidéo. Diplômée du département de danse contemporaine de l'Université Concordia, sa pratique s’intéresse aux sensations poétiques comme politiques du corps. Les matériaux que Guimond privilégie sont les objets organiques, les fibres, les corps, les fluides, le paysage, le son, la ligne et la lumière. Elle travaille régulièrement en collaboration avec le collectif WIVES, créant des rétroprojections et des œuvres théâtrales expérimentales basées sur le mouvement. Guimond a performé dans un grand nombre de lieux de diffusion dédiés à la musique, au théâtre et aux arts visuels à Montréal. Récemment, elle a présenté SeaFoamBlue au festival Rhubarb de Toronto.
Kerri Flannigan
Originaire de Deep River, en Ontario, Kerri Flannigan vit présentement à Montréal. Par le dessin, l'écriture, la projection et l'installation, Flannigan explore des modes de narration expérimentale et de documentaire. Inscrit à la fois dans son histoire personnelle et une recherche fouillée, son travail se penche sur les histoires sordides de petites villes, les souvenirs d’adolescence et les histoires familiales. En 2011, le deuxième numéro de son fanzine collaboratif Nailbiter a remporté le prix du meilleur fanzine en langue anglaise d’Expozine. Flannigan a récemment reçu une subvention du Conseil des arts et des lettres du Québec pour produire un livre d'histoires douces-amères à propos du Nord de l'Ontario. Elle travaille présentement à une animation dans le cadre de la résidence à la mémoire d’Helen Hill organisée par la Toronto Animated Image Society.
Kerri Flannigan remercie le Conseil des arts et des lettres du Québec pour son soutien.
Kandis Friesen
Née et élevée à Winnipeg, au Manitoba, Kandis Friesen est une artiste interdisciplinaire habitant à Montréal depuis 2000. Travaillant avec le son, la vidéo, le dessin et l'installation, sa pratique s’intéresse au langage et à la traduction; aux sites d’identité nationale et culturelle; et aux fonctionnements de la mémoire et de l'archive collective. Son travail a été présenté à travers le Canada et à l'étranger. Ses vidéos sont distribuées par le Groupe Intervention Vidéo (GIV), un centre d'artistes autogéré de Montréal. Parmi de nombreux projets, elle travaille actuellement sur ??le Mennonite Video Archives Project, une collection collaborative de travaux répondant à des images inédites et non traduites d'un documentaire qui n'a jamais été fait et qui ont été retrouvées sur les étagères sombres d'un centre d’archives mennonites à l'été 2010.