ven, 11/09/2018 - 13:29 -- Audrey
11/03/2018 - 00:00 - 12/02/2018 - 00:00

par Tina Lam

Alors que l'ère des technologies numériques s’emparent du globe, nous aurions pu penser qu'un espace virtuel pourrait potentiellement ouvrir la voie à une plus grande fluidité d'expression pour les peuples historiquement opprimés et marginalisés dans diverses sociétés trop souvent patriarcales et dominées par des hommes blancs. Les médias sociaux et la réalité virtuelle sont-ils vraiment des plateformes de libération, redonnant une voix à ceux qui suffoquent dans l’oppression ? Peut-être que l'hégémonie de l’homme blanc s'étend malgré tout dans le monde virtuel, contrôlant, dirigeant et restreignant ainsi la liberté de ceux qui, malgré les promesses de liberté d'expression sur ces plateformes, se trouvent toujours scrutés, objectivés et contrôlés.

La multitude de questions entourant la portée insidieuse de l'oppression est abordée par trois artistes dans le cadre du festival HTMlles. Certaines de ces questions sont interrogées par l’installation photographique Untitled (Men Responding) de Lesya Nakoneczny, et via l’installation immersive de réalité virtuelle The Novels of Elsgüer (Episode 3) - Live Despecho de Laura Acosta et Santiago Tavera.

Le secteur culturel a adopté Instagram comme plateforme populaire pour publier à la fois créations et idées. Le plus troublant dans cette infinité d’images est la présence inquiétante de photographies de femmes nues postées par des utilisateurs et des artistes masculins, blasé à l’égard de la représentation des femmes comme objets hypersexualisés. Il n’est pas surprenant de constater que les femmes travaillant dans les secteurs culturels reçoivent des salaires beaucoup moins élevés, s’attendent à travailler davantage pour moins de reconnaissance et trop souvent, elles sont soumises à des normes de qualités excessives par rapport à leurs homologues masculins. L'exploitation sexuelle objective à des fins lucratives et l'attitude dégradante à l'égard des femmes comme étant moins dignes de mérites ne sont-elles pas une seule et même chose ? Un artiste masculin accepterait-il de prendre une pose nue pour une séance photo artistique aux mêmes tarifs et conditions qu’une artiste féminine ? Ces questions sont soulevées et explorées dans le travail de Lesya Nakoneczny. L’installation d’œuvres photographiques questionne la disparité entre l’objectivation des femmes sur Instagram par les artistes masculins, les avantages que ces derniers en tire à conserver les femmes comme une source exploitable de profit et de créativité et, plus fondamentalement, la façon dont l’industrie culturelle a historiquement fermé les yeux vis-à-vis ces inégalités insidieuses.

L'ère d’un flux croissant de déplacements humains à travers le monde a créé de nouvelles sources de lutte pour une vaste partie de la société qui est pour toujours exilée à l’étranger en tant que migrants en raison de conflits géopolitiques ou pour chercher d’autres opportunités. Le monde virtuel représente donc une terre promise insaisissable pour les migrants qui espèrent se tailler une place malgré le fait qu’ils sont pris au piège dans un monde physique où leurs corps sont trop souvent surveillés, brimé et persécutés. Existe-t-il un lieu d'accueil pour s’ancrer dans le monde virtuel pour les personnes qui ont été physiquement déplacées ? Les espaces virtuels permettent-ils une réflexion sur ce que signifie d’appartenir ou d’être exclu d’une société ? L’installation de réalité virtuelle interactive de Laura Acosta et de Santiago Tavera sert d’interface pour questionner comment un groupe de migrants déplacés et leurs multiples représentations peuvent aspirer à se tailler une place dans un monde virtuel sous le regard d’une culture physiquement xénophobe.

L'avènement d'un monde virtuel offre à la société une occasion sans précédent de réifier un nouveau départ ; d’avoir l'occasion, en tant que société, de rectifier les injustices rampantes de notre passé. Pourquoi continuons-nous néanmoins à tolérer les pratiques chauvines dans le monde virtuel au lieu de nous opposer à de telles inégalités ? Peut-on espérer un jour accéder à une plus grande inclusion dans le monde virtuel ? Des questions de cette nature continueront à être posées alors que l'humanité s’ouvre au progrès technologique et ses qualités simultanément isolantes et englobantes. La question entourant comment le monde virtuel évoluera est cependant laissée à la discrétion du spectateur.

Participating artists: 
Tina Lam