07/02/2010 - 00:00

N’ayant pas d’enseigne visible, articule est perçu comme un voisin discret. Par le passé, des visiteurs de la galerie ont évoqué la difficulté de la trouver et des gens du quartier ont souvent été surpris d’apprendre qu’un centre d’artistes autogéré se trouvait dans leur voisinage. Résidant dans ce quartier et donc conscients du caractère ambiguë de l’espace de la galerie pour les passants, Emmanuel Galland et François Lalumière ont proposé, il y a deux ans, de créer une enseigne éphémère pour articule : un projet à court terme de signature visuelle pour un espace artistique vide. Revisitant cette proposition, qui aurait souligné la différence entre articule et les commerces à proximité, les artistes ont plutôt travaillé cet été à présenter la galerie comme un participant actif à la vie locale et à évoquer la vie passée de l’espace comme magasin en faisant se refléter de manière exagérée l’édifice et ses habitants.

Par un bel après-midi de la mi-juillet, j’ai rencontré Galland et Lalumière sur la terrasse du café en face de chez articule, quelques moments avant qu’ils n’entreprennent la dernière action performative de « Retourne-moi / Invert Me Out », leur projet de vitrine d’été. Ce projet consistait à créer une copie presque identique du magasin adjacent : La Maison du Peintre. Les artistes ont collaboré à reconstituer minutieusement en galerie la vitrine du magasin, un contenant de peinture à la fois, à partir de matériaux recyclés, de carton et de ruban adhésif. Le duo a choisi de réaliser tous les objets en blanc, rejetant la marque de commerce et jouant plutôt avec la notion du cube blanc, effaçant ainsi nos attentes face aux objets tout en présentant au spectateur une « toile » propre sur laquelle il pourrait « peindre » du sens. Tous les autocollants publicitaires apposés sur la vitrine de La Maison du Peintre ont également été reproduits, vidés de leurs marques de commerce et inversés, tout comme son enseigne.

Les artistes se considèrent comme des flâneurs qui cherchent à entrer en contact avec le paysage communautaire par le biais des manifestations passées et actuelles de ses espaces publics et de ses sites commerciaux. Pour eux, le plaisir de ce projet de vitrine est venu du processus de création et des réactions du public par rapport à articule. Le transfert d’une identité publique commerciale à un espace d’art a facilité la compréhension par la communauté des actions posées par articule comme galerie. La présentation en vitrine a effacé les différences entre les deux lieux et créé une accessibilité en ayant recours au ludique et à la constitution d’une mémoire collective.

Après notre entretien, les artistes ont réalisé l’achèvement de l’inversion en peignant la devanture de La Maison du Peintre de la couleur bleu « CRUM » pour ainsi l’agencer avec celle de la galerie. Cette dernière action, intitulée « Les Peintres du dimanche / Sunday Painters », complètera la symétrie et engagera également La Maison du Peintre dans le processus de création. La vitrine de la galerie ne servira plus de simulacre à la devanture du magasin; à partir d’aujourd’hui les deux se réfléchiront, affichant la double nature du magasin comme galerie de peinture et de la galerie comme magasin de peinture.

 

Texte traduit de l’anglais par Colette Tougas

 

Amber Berson est passionnée par l’art et son potentiel de changement social. Ses recherches sont actuellement axées sur l’art et le deuil, les pratiques muséales, les théories narratives et les collections vernaculaires. Son mémoire de maîtrise (Université Concordia) examine la manière dont les femmes autochtones disparues et assassinées ont été représentées dans l’art canadien. Elle travaille à Eastern Bloc et a récemment co-commissarié SIGHTandSOUND 2 et Espèces vulnérables à Eastern Bloc, In Your Footsteps à la galerie VAV, Désirs réagencés : exposer l’ « autre » chez soi au FOFA et We lived on a map... dans l’espace d’exposition du Centre for Ethnographic Research and Exhibition in the Aftermath of Violence/Centre de recherche ethnographique et d’exposition sur les conséquences de la violence (CEREV).

Les artistes remercient La Maison du Peintre, TREDICI3, Clément de Gaulejac, Debna, Caroline Hayeur, Antonin Sorel, Christian Miron, Siphay Southidara, Charlotte Sordes, Manuel Mathieu, Nathalie Bujold, Claire Dumoulin, Eric Filteau, Marie McBeth, Yan Gg, Pat Bern, Lyndagau, Robbin Deyo, AXENÉO7, l’Écocentre de la Petite Patrie.

 

 

Participating artists: 
Amber Berson