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 Notre style de jeu  
Cuts Make the Country Better | cuts make the coutry better | Edith Brunette | Francois Lemieux | Josianne Poirier
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Les règles du jeu sont simples. Un enchevêtrement de baguettes de bois orne le centre de la table. À tour de rôle, les joueurs doivent retirer une baguette, sans déplacer les autres. Tant que tout demeure immobile, le joueur qui s’exécute a le champ libre et retire autant de baguettes que possible. Dès que le moindre élément tremble, c’est alors au joueur suivant. On a parfois l’impression que c’est à une partie de Mikado que se livrent sadiquement nos dirigeants. Les joueurs réunis autour de la table appartiennent aux mondes municipal, provincial et fédéral. L’un après l’autre, ils se livrent à un exercice délicat et méthodique : retirer des fonds ici, réduire une enveloppe budgétaire là. Tant que rien ne bouge dans le fragile milieu culturel qu’ils amputent graduellement, ils peuvent poursuivre. À la fin de la partie, la table sera vide. Qui avait fixé les règles du jeu et pourquoi les avons-nous acceptées? Il sera peut-être trop tard pour se poser la question.

C’est dans cet axe de réflexion que s’inscrit Cuts make the country better. Loin de prôner le statu quo, le projet fait de l’enjeu des conditions d’existence de l’art le cœur de son propos. De quel type de financement l’art a-t-il besoin pour se développer et exercer ses fonctions premières? Et par extension, inévitablement, surgit un second enjeu tout aussi essentiel : quelles sont cesdites fonctions premières?

C’est une réponse en acte qui se déploie entre les murs d’articule pour la durée de l’exposition. Aux vidéos et documents présentés dans l’espace viennent s’ajouter des projections spéciales, la publication d’une revue, des échanges formalisés, des rencontres improvisées. Toutes ces stratégies et tactiques visent à créer une discussion autour de thèmes tels que les conditions de pratique des artistes, le fonctionnement des centres d’artistes et des lieux d’art, les trajectoires individuelles et collectives, l’autonomie de l’art. Il faut préciser que cette occupation de l’espace d’exposition n’est pas une fin en soi. Il ne s’agit pas de la présentation publique des résultats d’une enquête que les artistes auraient menée de leur côté et sur laquelle ils souhaitent nous entendre rétrospectivement. Au contraire, elle est un moment d’un processus plus long qui se poursuivra dans le temps et dans plusieurs espaces, et auquel nous sommes conviés à contribuer activement. Cette démarche à la fois expérimentale et processuelle affirme par son mode opératoire l’importance de tourner le miroir vers soi. Si des règles sont imposées de l’extérieur, nous sommes forcés d’admettre que certaines règles sont aussi installées et pérennisées de l’intérieur. Interroger nos façons de faire habituelles et les cadres que nous nous fixons, il sera aussi question de ça.

Pour amorcer la réflexion, Edith Brunette et François Lemieux ont réalisé à l’automne 2014 des entretiens vidéo avec des artistes et travailleurs culturels des Pays-Bas. « Cuts make the country better », on doit cette citation au premier ministre néerlandais, Mark Rutte, dont le gouvernement de coalition n’a pas mis de gants blancs lorsqu’est venu le temps de mettre en place des mesures d’austérité. En 2011, des coupes drastiques du budget des arts et de la culture ont été annoncées, obligeants de nombreux organismes culturels à réviser complètement leur mode de fonctionnement, poussant même certains à mettre la clé sous la porte. Le budget des bourses de soutien à la création a été réduit de moitié, tout comme celui de la Mondriaan Foundation, un important organe de financement dont le mandat est de soutenir la production et la visibilité locale et internationale de la production artistiques néerlandaise. Le manque d’organisation du milieu culturel est alors tristement apparu au grand jour. Tous s’entendaient sur la nécessité de réagir, mais peu de positions communes ont pu être identifiées.

Examiner les conditions d’existence de l’art par une discussion active entre les acteurs du monde de l’art des Pays-Bas et du Canada, voici donc le parti pris de cette exposition. Remettre en cause les règles qui régissent nos rapports aux institutions étatiques, mais également les règles internes qui, bien que souvent rassurantes, se posent à maintes occasions comme limite de nos actions individuelles et collectives, cela pourrait s’avérer primordial pour assurer la survie de notre milieu. La partie n’est pas gagnée d’avance, mais il semble que le temps est venu de quitter le mode défensif pour passer à l’action et imposer davantage notre style de jeu.

Texte de Josianne Poirier

Date:
Mardi, Mars 10, 2015 - 00:00 - Samedi, Avril 11, 2015 - 00:00
 Our Own Style of Play  
Cuts make the country better | Cuts Make the Country Better | Edith Brunette | Francois Lemieux | Josianne Poirier | Sarah Knight
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The rules of the game are simple. There is a pile of wooden sticks in the centre of the table. Players take it in turns to gingerly remove one stick at a time. As long as the pile remains static, the player can attempt another; as soon as sticks begin to slip, the next player takes over. At times it seems as though our leaders are sadistically enjoying a similar game. Players from municipal, provincial, and federal governments sit around the table. Methodically, they take turns in making their move: remove funding here, reduce a budget allocation there. As long as no movement is discerned in the fragile cultural sector that they are gradually dismembering, they can continue. At the end of the game, the table will be empty. Who wrote the rules of this game and why do we accept them? Perhaps it is too late in the game to pose this question.

Cuts make the country better takes this idea as its point of departure. Far from advocating the status quo, the project takes issue with the current conditions in the arts. What type of financing is needed to foster development in the arts and to ensure that their basic purpose is fulfilled? And, importantly: what is the basic purpose of art?

These issues will be actively explored between the walls of articule for the duration of the exhibition. Videos and documents will be supplemented with special screenings, the publication of a magazine, formalized exchanges, and ad hoc meetings. These tactics and strategies are intended to foster discussion around themes such as the conditions under which artists practice, individual and collective career paths, and the autonomy of art. It is important to state that the occupation of the exhibition space will not be an end in itself. It will not be used to present the results of an artist-led inquiry for public consumption after the fact. On the contrary, it will form part of a longer process that will take place over time across several spaces, and to which we are invited to actively contribute. Through its method, this experimental and process-based event will affirm the importance of turning the mirror on oneself. While some rules are imposed from the outside, we have to admit that others are also set in place and perpetuated from within. We must question our usual ways of doing things and the limits we impose on ourselves.  

To kick start the process, Edith Brunette and François Lemieux made video recordings in the autumn of 2014 of a series of interviews with artists and cultural producers from the Netherlands. We owe the statement “cuts make the country better” to the Dutch prime minister, Mark Rutte, whose coalition government has made no bones about introducing austerity measures. In 2011, drastic cuts to the arts and culture sector were announced, forcing numerous organizations to revise their ways of working, to the extent that some were forced to close altogether. The budget for creative arts grants was reduced by half, as was funding for the Mondriaan Foundation, an important funding body whose mandate is to support and promote Dutch artistic production both locally and internationally. The lack of organization within the cultural sector has been made sadly apparent. There is widespread agreement on the need to act, but a lack of consensus regarding how to proceed.

The point of this exhibition is to examine the conditions under which the arts exist through active discussion between stakeholders in the art worlds of Canada and the Netherlands. To question the rules that determine our relationships with government institutions, as well as the internal rules that, though often reassuring, keep us from acting both individually and collectively time and time again, could prove to be essential in assuring the survival of our milieu. It won’t be easy but it seems the time has come to stop playing defensively, go into active mode and impose our own style of play.

Text by Josianne Poirier

Translation: Sarah Knight

Date:
Mardi, Mars 10, 2015 - 00:00 - Dimanche, Avril 12, 2015 - 00:00